La sécurité de l’emploi n’attire plus »: pourquoi les communes n’arrivent plus à recruter

Avec un taux de chômage au plus bas depuis des décennies, la fonction publique territoriale fait face à un manque de candidats et les communes rivalisent d’ingéniosité pour tenter de pourvoir les postes vacants.

De la semaine de quatre jours et demi aux primes, en passant par les animaux de compagnie: les DRH des collectivités rivalisent d’ingéniosité pour tenter de pourvoir les postes vacants malgré la faible attractivité de la fonction publique territoriale.

« La fonction publique attire beaucoup moins, la sécurité de l’emploi n’est plus du tout déterminante », reconnaît Béatrice de Lavalette, adjointe au maire de Suresnes (Hauts-de-Seine) chargée des ressources humaines.

« On n’est plus dans des générations où les baby boomers faisaient toute leur carrière au sein d’une seule et même collectivité, aujourd’hui les gens ont la bougeotte », l’appuie Doriane Huart qui supervise le pôle RH de la Métropole européenne de Lille (MEL).

Par conséquent, « on a un enjeu de fidéliser dans un marché du travail de plus en plus tendu », avec un taux de chômage tombé à 7,2% fin 2022, ajoute-t-elle.

Difficulté supplémentaire pour les collectivités, aux métiers largement méconnus: l’âge moyen des agents (46 ans) y est supérieur à celui des fonctionnaires hospitaliers ou d’Etat, et de nombreux départs à la retraite sont prévus prochainement.

 

Sur les six prochaines années, un quart des secrétaires de mairie et un policier municipal sur six devraient ainsi mettre un terme à leur carrière.

Semaine de 4 jours et demi

Pour attirer de nouvelles recrues, la MEL mise donc sur l’aménagement du temps de travail: depuis 2019, ses fonctionnaires peuvent concentrer leur semaine de travail sur quatre jours et demi, ou sur neuf jours répartis sur deux semaines.

Sur 3.000 agents, « plus de 800 » se sont emparés de cette possibilité, assure Doriane Huart, les lundis et vendredis étant plébiscités par les agents pour prolonger les weekends, et les mercredis pour s’occuper de leurs enfants.

A Suresnes, moins d’enthousiaste: « Les semaines de quatre jours, c’est très bien dans l’idéal (…) mais si c’est pour travailler de 7h à 23h, je suis quand même très réservée ».

L’élue des Hauts-de-Seine préfère offrir sur le temps de midi des cours gratuits de yoga ou de sophrologie à son gros millier d’agents.

Sur leur temps de travail, les employés de la ville peuvent également bénéficier de cours de chant choral, d’improvisation théâtrale ou d’échecs – « les échecs, c’est 50% de concentration et de mémorisation en plus, et donc l’agent va être plus créatif », notamment au travail.

« On commence à décrocher »

Sous réserve de l’accord de leurs collègues, les agents sont également autorisés à amener leur animal de compagnie au bureau.

Mais « on a beau activer tout ce qu’on veut sur l’amélioration des conditions de travail », dans les entretiens d’embauche, « la question salariale est le premier sujet qui revient », avertit Johan Theuret, responsable du pôle Ressources de la ville et de la métropole de Rennes.

Parmi les deux millions d’agents de la fonction publique territoriale, 75% appartiennent à la catégorie C, la moins bien rémunérée. Or en matière salariale, « on commence vraiment à décrocher par rapport au secteur privé, et sur la quasi-totalité des métiers », alerte Johan Theuret.

Maçons, animateurs, policiers municipaux, électriciens: « il y a plein de secteurs où c’est compliqué » de recruter pour les collectivités, responsable des « richesses humaines » à la mairie de Blagnac, près de Toulouse. La municipalité occitane propose donc des primes ciblées sur certains métiers en tension.

« On a ajouté de 150 à 450 euros par mois de primes pour les métiers du numérique ». Auparavant, « on n’arrivait même pas à avoir de candidats à l’entretien tellement on n’était pas au niveau du marché » sur le plan salarial.

Encore faut-il avoir les moyens d’accorder de telles primes, ce qui n’est pas forcément le cas des plus petites communes de France.

Ces dernières ont donc plutôt tendance à insister sur la qualité de vie, réputée meilleure loin des métropoles. Même à Blagnac, ville de 25.000 habitants, « on a aussi des coups à jouer ».

« On est presque à la campagne par rapport au centre-ville de Toulouse! » sourit-il, fier de n’avoir qu’une vingtaine de postes vacants sur un effectif total de 950 agents.

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