La suppression de poste dans la fonction publique territoriale…

Sous réserve qu’elle soit fondée sur l’intérêt du service, la suppression d’un emploi peut être décidée par la collectivité, qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Décryptage par Stéphane Brunella, directeur général des services, de cette procédure encadrée, et de ses conséquences qui varient en fonction du statut de l’agent.

 

Les employeurs territoriaux ont la possibilité de supprimer des emplois dans les limites du cadre juridique prévu à cet effet. Ce dernier offre quelques garanties résultant notamment de la procédure à suivre, des motifs qui la justifient et des contrôles auxquels elle donne lieu.

Les motifs

La collectivité dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de la suppression d’un emploi, sous réserve qu’elle soit fondée sur l’intérêt du service, à défaut de quoi, elle constitue un détournement de pouvoir rendant illégale la suppression de l’emploi. Plusieurs motifs sont ainsi reconnus.

La réorganisation des services

Dans le cadre d’une création d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le transfert de compétences peut être accompagné de suppressions d’emplois dans les communes membres de l’intercommunalité.

Mesures d’économie budgétaire

Les motifs de mesures d’économie budgétaire sont recevables :

  • quel que soit l’état des finances communales
  • dans le cas où l’économie a été recommandée par la chambre régionale des comptes ou dans le cas du déficit de gestion important d’une piscine municipale qui justifie la suppression d’un emploi de maître-nageur
  • si l’emploi est devenu inutile, l’entretien de la voirie étant confié à une entreprise privée

La suppression d’emploi peut n’être que partielle et ne porter que sur la réduction de l’horaire de travail mensuel des agents Dès lors que le motif d’économie invoqué est justifié, l’agent licencié ne peut utilement faire état de l’absence de licenciement d’agents moins bien notés ou de moindre ancienneté.

La suppression peut concerner plusieurs postes si l’intérêt du service le justifie.

Il a été jugé que la délibération ayant en réalité pour objet de permettre le ­licenciement d’un agent ayant fait l’objet de plusieurs sanctions est illégale.

Disparition de la collectivité

La disparition d’une collectivité entraîne celle des emplois.

Transformation d’un emploi

La modification de la durée de travail d’un agent selon les nécessités et dans l’intérêt du service est assimilée à une suppression d’emploi suivie de la création d’un nouvel emploi. Cette procédure implique une suppression suivie d’une création, en appliquant les règles relatives à la suppression d’emploi.

La modification du nombre d’heures de service hebdomadaire afférent à un emploi permanent à temps non complet n’est pas assimilée à la suppression d’un emploi lorsque la modification n’excède pas 10 % du nombre d’heures de service afférent à l’emploi en question et lorsqu’elle n’a pas pour effet de faire perdre le bénéfice de l’affiliation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

A contrario, la baisse de la quotité d’heures hebdomadaire est apparentée à une suppression de poste en cas de diminution de plus de 10 % de la durée hebdomadaire de travail ou d’une diminution quel que soit le pourcentage de baisse si le poste est à temps complet ou si la diminution d’heures a pour conséquence le changement de régime de retraite (CNRACL/Ircantec).

La procédure

Avant toute suppression d’emploi, l’avis du comité technique doit être recueilli, sur la base d’un rapport précis et argumenté présenté par l’autorité territoriale qui doit contenir tous les éléments relatifs au projet de suppression (nature des emplois, répartition des emplois par services et motif de la suppression). Sa consultation constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance entraîne l’annulation de la décision de suppression d’emploi.

Elle ne s’impose que pour la suppression d’emploi d’agents titulaires et non contractuels.

Le comité technique doit être clairement et complètement informé de la nature des emplois dont la suppression est envisagée. Le motif doit être exposé de façon suffisamment précise, sans se limiter à des considérations d’ordre général. A défaut, la délibération est entachée d’illégalité.

Pour les collectivités ayant leur propre comité technique, le procès-verbal doit être transmis au président du centre de gestion (CDG) ou du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour un emploi de catégorie A+. Toutefois, l’omission de cette transmission n’affecte pas la légalité de la décision de suppression de l’emploi  qui relève de la compétence exclusive de l’organe délibérant qui est seul compétent pour créer ou supprimer les emplois y compris pour les emplois à temps incomplet de même que pour les emplois de contractuels.

La délibération doit être suffisamment claire et précise sans à être motivée  et être adressée au contrôle de légalité.

Elle doit ainsi énoncer les postes supprimés : faute de précisions suffisantes, la délibération est illégale. Il est d’ailleurs recommandé de prendre une 2e délibération afin de mettre à jour le tableau des effectifs. L’avis de la commission administrative n’est pas nécessaire même si la suppression a des incidences sur la situation individuelle de l’agent à moins qu’un texte n’en dispose autrement : suppression d’un emploi suite à la dissolution d’un établissement public de coopération intercommunale la formalité étant alors substantielle.

Les conséquences

Fonctionnaire à temps complet ou à temps non complet supérieur ou égal à dix-sept heures trente

Le principe veut que le fonctionnaire dont l’emploi est supprimé doive être affecté dans un nouvel emploi.

Recherche de reclassement

L’autorité territoriale doit rechercher les possibilités de reclassement du fonctionnaire. Elle peut ainsi lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d’emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d’emplois.

Maintien en surnombre

Si aucun emploi répondant aux conditions exigées ne peut être proposé au fonctionnaire, la collectivité doit le maintenir en surnombre pendant un an. La date de début du maintien en surnombre ne doit pas obligatoirement coïncider avec celle de la suppression de l’emploi.

L’éventuel décalage doit néanmoins être raisonnable et justifié par un motif valable, tel que la recherche d’une solution permettant de reclasser l’agent. Durant l’année de surnombre, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité lui est proposé en priorité, sachant que les emplois occupés par des agents contractuels sont considérés par la jurisprudence comme vacants. En outre, la collectivité doit examiner les possibilités de reclassement en lien avec le CDG ou la délégation du CNFPT suivant le grade de l’agent.

Sont examinées :

  • la possibilité de détachement ou d’intégration directe sur un emploi équivalent d’un autre cadre d’emplois au sein de la même collectivité ou établissement ;
  • les possibilités d’activité, dans une autre collectivité ou un autre établissement, sur un emploi correspondant au grade ou un emploi équivalent ;
  • les possibilités d’activité sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent dans l’un des versants de la fonction publique.

Prise en charge

Au terme du maintien en surnombre, si aucune solution n’a été trouvée, le fonctionnaire est pris en charge par le CNFPT (catégorie A+) ou par le CDG dans les autres cas.

L’agent est placé sous l’autorité de l’établissement qui assure sa prise en charge, si bien que l’agent qui ne respecte pas ses obligations statutaires de manière grave et répétée est soit licencié soit admis à la retraite.

Le CDG ou le CNFPT peut lui confier des missions, y compris dans le cadre d’une mise à disposition et lui proposer tout emploi vacant correspondant à son grade. L’agent est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le CDG.

Un projet personnalisé est mis en place dans les trois mois de la prise en charge pour favoriser le retour à l’emploi. Ce projet fixe notamment les actions d’orientation, de formation et d’évaluation qu’il est tenu de suivre. L’agent bénéficie d’un accès prioritaire aux formations longues nécessaires à l’exercice d’un nouveau métier dans l’une des trois fonctions publiques ou dans le secteur privé.

Le fonctionnaire doit informer, tous les six mois, le CNFPT ou le CDG de ses recherches d’emploi. Il doit l’informer des candidatures qu’il a formulées et des entretiens d’embauche auxquels il est convoqué ou auxquels il s’est présenté.

Pendant la période de prise en charge, le fonctionnaire momentanément privé d’emploi reçoit la rémunération correspondant à l’indice détenu dans son grade à hauteur de 100 % la première année de prise en charge.

Cette rémunération est ensuite dégressive de 10 % par an, pendant dix ans, jusqu’à épuisement.

Lors des missions qui peuvent lui être confiées, le traitement indiciaire et l’indemnité de résidence sont rétablis à 100 %. Le supplément familial de traitement (SFT)est versé intégralement.

Sa rémunération nette est réduite, le cas échéant, du montant des rémunérations nettes perçues au titre d’un cumul d’activités.

L’attribution du régime indemnitaire est faite en fonction de la manière de servir de l’agent lors de l’accomplissement des missions qui peuvent lui être confiées ou en cas de détachement.

L’avancement d’échelon est désormais accordé de plein droit en fonction de l’ancienneté.

A l’issue de cette période, l’agent est soit :

  • mis à la retraite d’office, sous réserve de remplir les conditions d’une retraite à taux plein. Il est alors radié des cadres d’office ;
  • licencié, il perd alors le statut de fonctionnaire. Les allocations chômage sont versées par le CDG ou le CNFPT puis sont remboursées par la collectivité employant anciennement l’agent.

Fin de la prise en charge

Deux circonstances peuvent justifier la fin de la prise en charge lorsque l’agent retrouve un emploi ou lorsqu’il refuse les propositions offertes.

La prise en charge cesse après trois refus d’offres fermes d’emploi. Mais les offres d’emploi sont soumises à certaines conditions :

  • ne peut être comprise dans ce décompte qu’une seule offre d’emploi émanant de la collectivité ou de l’établissement d’origine ;
  • pour les fonctionnaires de catégorie C, les emplois proposés doivent se situer dans le département où le fonctionnaire était précédemment employé ou un département limitrophe ;
  • pour les fonctionnaires des catégories B et C en exercice dans les départements d’outre-mer, ces propositions doivent se situer dans le seul département où le fonctionnaire était précédemment employé.

Après trois refus, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu’il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Cette dernière disposition n’est pas opposable aux mères de famille ayant élevé au moins trois enfants.

Contribution de la collectivité

Pendant la prise en charge, l’agent est rémunéré par le CDG à qui la collectivité verse une contribution égale à :

  • 150 % du coût de l’agent les deux premières années ;
  • 100 % la 3e année ;
  • 75 % au-delà.

Fonctionnaire à temps non complet inférieur à dix-sept heures trente

Le fonctionnaire ne peut pas bénéficier des dispositifs de maintien en surnombre et de prise en charge. Il fait alors l’objet d’un licenciement et perçoit à ce titre une indemnité. Si l’agent s’inscrit comme demandeur d’emploi, la collectivité doit verser les allocations de retour à l’emploi.

Stagiaire

L’agent stagiaire ne peut bénéficier du dispositif de maintien en surnombre et de prise en charge qui est réservé aux seuls titulaires. Il ne bénéficie pas non plus du droit à être reclassé dans un autre emploi

Lorsqu’il est mis fin au stage en raison de la suppression de l’emploi, le stagiaire est, à sa demande, réinscrit sur la liste d’aptitude.

Si l’agent s’inscrit comme demandeur d’emploi, les allocations sont à la charge de la collectivité, sachant qu’il ne perçoit pas d’indemnité de licenciement.

Contractuel

L’agent contractuel dont l’emploi est supprimé est licencié. Il a droit à une indemnité de licenciement et peut prétendre, le cas échéant, aux allocations de retour à l’emploi versées par la collectivité si celle-ci n’adhère pas à Pôle emploi.

Pour les agents en CDI, l’autorité territoriale a l’obligation de chercher un reclassement. Elle ne peut le licencier que si le reclassement est impossible ou si l’agent le refuse. Depuis le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015, ce reclassement concerne également les agents contractuels en CDD recrutés pour occuper un emploi permanent en application de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984.

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