Agents insultés, agressés à Rennes ….

Agents insultés, agressés à Rennes : « On ne doit pas se dire que ça fait partie du job »

Les agents de la ville de Rennes doivent de plus en plus faire face à des personnes porteuses de troubles, aux prises avec des addictions, des menaces par des dealers. Quelles solutions apporter ?

Les syndicats Sud et CGT ont alerté sur le fait que des agents de la ville de Rennes ont été importunés par des dealers dans le quartier du Blosne.
Les syndicats Sud et CGT ont alerté sur le fait que des agents de la ville de Rennes ont été importunés par des dealers dans le quartier du Blosne. | MATHIEU PATTIER / OUEST FRANCE

« Les collègues ont besoin d’aller au travail sereins. Quand ils arrivent à 4 h 30 du matin pour nettoyer, que les dealers sont là, parfois alcoolisés, voitures ouvertes, musique à fond, la tension est présente. Les agents sont en première ligne », explique Stéphane Morandeau, du syndicat Sud de la ville de Rennes (522 adhérents).

Lire aussi : Insultes, agressions sur ses agents, la ville de Rennes porte plainte

« On craint qu’il arrive un drame »

La violence n’est pas nouvelle. « On a des usagers très exigeants, peu patients, à qui parfois tout est dû », témoigne Laurent Cairon, de la CGT (180 adhérents). Mais pour les syndicats, qui ont décidé de passer à l’action et de manifester le 14 mai devant Rennes métropole, un cap a été franchi  : « Les agents veulent qu’on alerte. C’est anxiogène pour eux. Ils ne sont pas là pour subir des violences. »

Laurent Cairon, CGT ville de Rennes | OUEST-FRANCE

« Les dealers sont énervés »

Le 7 février 2024, aux Champs libres à Rennes, une bibliothécaire était violemment agressée, étranglée. Une femme de 45 ans, interpellée sur place, en état d’ivresse a été condamnée à huit mois de prison dont quatre mois avec sursis.

Le 12 février 2024, un homme de 40 ans était condamné par le tribunal correctionnel de Rennes, à dix mois de prison dont quatre assortis d’un sursis probatoire. Il avait menacé de mort et outragé trois policiers municipaux. Récemment un dimanche matin, un agent, qui conduisait une balayeuse, a été agressé, place de la République. La Ville a porté plainte.

Récemment, les syndicats Sud et CGT ont rapporté en plus les difficultés des agents de la propreté et jardiniers pris à partie par les dealers à côté de qui ils doivent travailler. La situation ne date pas d’aujourd’hui, mais s’est aggravée après le Covid « et dans les quartiers où il y a du deal, et où a été lancée l’opération Place nette (NDLR, opération de police concentrée sur le quartier du Blosne où se trouve un tiers des points de deal de la ville, et où a eu lieu une fusillade dans la nuit du 9 au 10 mars ), la situation s’est tendue, explique Laurent Cairon. Les dealers sont énervés. »

« On s’adapte, confirme un agent croisé sur le terrain, qui confirme des altercations, crachats… Ça m’est arrivé que des dealers me demandent d’aller ailleurs sans doute parce qu’ils avaient une grosse livraison. Je suis parti. »

Les syndicats Sud et CGT demandent à ce que des agents interviennent en binôme.Mathieu Pattier / Ouest France. | MATHIEU PATTIER / OUEST FRANCE

Tous les agents exposés

En cas d’agression, les 7 000 agents peuvent se tourner vers une psychologue du travail comme Janik Pasquet. Protéger, accompagner, limiter les risques, comprendre les ressorts de la violence de notre société, l’évolution des exigences des usagers est au cœur de son travail à la ville de Rennes. « Dans nos lieux d’accueil s’expriment une détresse économique, des difficultés sociales. »

Tous les agents sont exposés : la police municipale qui va au contact, mais aussi les agents des centres sociaux, de l’habitat social, ceux qui ont en charge le renouvellement des papiers d’identité, les jardiniers, les agents de propreté… Mais aussi dans les bibliothèques, les piscines, « le non-respect des interdits, tenue, utilisation des portables… donnent lieu à des conflits. Il faut composer avec des personnes porteuses de troubles, ou aux prises avec des addictions. Nous devons limiter le passage à l’acte, accompagner les agents victimes d’agression, ne pas banaliser, ne pas se dire ça fait partie du job ».

Car certains agents croyant bien faire abaissent leur seuil d’acceptabilité. Rappeler qu’il n’est pas normal de se faire insulter, que les remarques racistes sont interdites, « ce n’est pas un luxe », explique Janik Pasquet. Une bonne cohésion d’équipe limite aussi l’impact. « L’incivilité est bien gérée quand il y a solidarité, coopération. Le soutien social est un absorbeur de stress très puissant. »

« Ça peut fragiliser durablement »

Certaines victimes prennent sur elles pour reprendre le travail, se disent « j’ai géré », ou « faut que je tienne ». C’est souvent quand elle revit à froid l’agression, que la victime réalise qu’elle était en danger. « Ça peut générer une baisse de moral, provoquer un doute sur ses compétences, un manque de confiance dans ses collègues parce qu’elle ne s’est pas sentie protégée, ça peut fragiliser durablement. »

Les syndicats Sud et CGT dénoncent aujourd’hui un manque de reconnaissance et une inégalité de traitement pour les agents qui travaillent dans les quartiers politiques de la Ville, selon qu’ils sont en contact avec les usagers ou pas. « Les agents des jardins, de la propreté, font de la proximité aussi. On demande que les agents interviennent en binôme, que les responsables n’envoient pas les agents seuls. »

Stéphane Morandeau, syndicat Sud ville de Rennes | OUEST-FRANCE

Des mesures ponctuellement mises en place par la Ville qui n’exclut pas de les renforcer. Les syndicats parlent aussi d’attractivité, « On a un chef d’équipe qui est parti dans une autre collectivité. Redevenu simple agent, il gagne davantage », témoigne Stéphane Morandeau.

Sur la revalorisation financière, la Ville indique que « la demande, déjà évoquée, continuera d’être instruite avec les organisations syndicales participant au chantier Pouvoir d’achat ».

L’assemblée générale du 17 mai 2024, organisée par la CGT et Sud, suite au rassemblement du 14 mai devant Rennes métropole « doit libérer la parole de ceux qui n’auraient pas encore osé s’exprimer ».

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