Le candidat à sa réélection veut réformer en profondeur le système de rémunération dans la fonction publique, en récompensant davantage la performance individuelle et collective des agents. Voici les grandes lignes de son projet de rémunération au mérite.
À la surprise générale, le gouvernement a annoncé le 14 mars dernier un dégel “avant l’été” du point d’indice dans la fonction publique, qui sert à calculer le traitement de base des agents. Pour rappel, à l’exception de deux petites augmentations en 2016 et 2017 (+0,6% chaque année), la valeur du point d’indice n’a pas évolué depuis 2010. “L’inflation revient et le gel complet du point d’indice pour tous les fonctionnaires n’est pas soutenable durablement”, s’est justifié Emmanuel Macron, en conférence de presse de présentation de son programme présidentiel, le 17 mars dernier.
Mais pour le président-candidat, il faut aller plus loin et, s’il est réélu, il compte “réformer en profondeur” le système de rémunération des agents publics. “Nous devons rebattre les cartes de l’organisation de la rémunération dans notre fonction publique”, a-t-il déclaré. “La revalorisation du point d’indice ne traduit pas l’enjeu de la refonte de la rémunération dans la fonction publique. La question du point d’indice peut être légitime dans une période particulière de forte inflation, comme c’est le cas aujourd’hui. Mais au-delà de ce moment, il faut repenser l’ensemble des composantes de la rémunération”, complète Thomas Cazenave, relais puissance publique pour l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, interrogé par Capital.
Pour le chef de l’État, en effet, “la manière dont on a cloisonné les choses (avec les catégories A, B et C, ndlr) n’est plus adaptée à la réalité”. D’autant qu’avec ce système, “on a complètement écrasé la courbe des rémunérations entre les catégories”, a-t-il ajouté lors de sa conférence de presse de campagne. Ainsi, certains agents de catégorie B, pourtant censés être mieux rémunérés, peuvent être payés quasiment au même niveau que d’autres agents de catégorie C.
“Une rémunération au mérite” à développer
“Le système actuel est à bout de souffle et ne permet pas de répondre à un enjeu important, qui est de conserver une forte attractivité pour certains métiers de la fonction publique, comme les enseignants ou les soignants”, renchérit Thomas Cazenave auprès de Capital. L’objectif de la réforme est clair : “On doit redonner du sens à la rémunération dans la fonction publique, avec un enjeu de lisibilité, de transparence et de valorisation de l’engagement des agents publics”, ajoute l’expert.
Pour y parvenir, “on veut refondre le système avec trois promesses : que chacun ait des perspectives, que le métier compte plus que le diplôme initial et que nous mettions en avant l’intéressement personnel et collectif avec une rémunération au mérite”, a détaillé Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, le 27 mars dernier au micro de France Inter.
L’entourage d’Emmanuel Macron s’appuie ici sur le rapport remis par Paul Peny, directeur des ressources humaines de la Caisse des dépôts et Jean-Dominique Simonpoli, fondateur de l’association Dialogues, à Amélie de Montchalin, le 14 mars dernier, dans le cadre de la conférence sur les perspectives salariales dans la fonction publique, un cycle de discussions lancé par le gouvernement à l’automne dernier. Les deux experts estiment dans leurs travaux que l’un des objectifs auxquels le système de rémunération des agents publics devrait répondre est “la reconnaissance de l’engagement, de la manière de servir, de la contribution aux résultats individuels ou collectifs, ce qui devrait principalement justifier une part variable de rémunération à caractère indemnitaire”.
Ce qui n’est pas vraiment le cas actuellement. En effet, une rémunération au mérite est déjà en place dans la fonction publique, mais de manière très marginale. On la retrouve dans les versants territoriaux et d’État, via le Rifseep (régime indemnitaire prenant en compte les fonctions, les sujétions, l’expertise et l’engagement professionnel). Ce régime se décompose en deux grandes catégories d’indemnisation : l’indemnité liée à la nature du poste occupé, aux qualifications et aux compétences (IFSE) d’une part ; le complément indiciaire annuel (CIA), qui rémunère la performance des agents, d’autre part. Mais d’après le rapport Peny-Simonpoli, “plus de 90% de la rémunération indemnitaire dans la fonction publique d’État résulte de l’IFSE” et “le CIA demeure une prime facultative, que certains employeurs peuvent décider, pour un corps donné, de ne pas mettre en œuvre”. Résultat : le CIA, qui sert à récompenser l’engagement professionnel des agents, ne représentait en moyenne que 8,3% du Rifseep dans la fonction publique d’État en 2017.
Une prime à la performance collective davantage mise en lumière
L’annonce par Amélie de Montchalin d’un renforcement de la “rémunération au mérite” en cas de nouveau mandat d’Emmanuel Macron a immédiatement suscité l’inquiétude de certains syndicats, Solidaires fonction publique en tête. “Personne ne veut de rémunération au mérite”, a dénoncé l’organisation, sur son compte Facebook, avant d’ajouter que la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques “se base sur les pistes issues d’une conférence d’où les organisations représentant plus de la moitié des personnels étaient parties !”
Mais dans le camp d’Emmanuel Macron, on tient à rassurer : il ne s’agirait pas de mieux rémunérer les agents en fonction de leur performance individuelle uniquement. “Pour beaucoup de métiers de la fonction publique, la performance est surtout collective. C’est le cas par exemple dans le domaine hospitalier, les agences de Pôle emploi, ou encore dans le milieu éducatif”, souligne Thomas Cazenave.
Un système de prime à la performance collective existe pourtant déjà dans les trois versants de la fonction publique. Le dispositif de rémunération au “mérite collectif” ne serait donc pas nouveau. Mais là encore, comme pour le complément indiciaire annuel dans le cadre du Rifseep, “on se rend bien compte que cette prime à la performance collective est peu mise en œuvre, pour une dizaine de milliers d’agents seulement, car elle s’ajoute à de nombreux autres dispositifs”, indique Thomas Cazenave. L’idée serait donc de mettre davantage en avant et de faciliter la mise en place de cette prime d’intéressement collectif.
Reste à savoir si cette réforme en profondeur du système de rémunération dans la fonction publique passera et si oui, sous quelle forme exactement. Car ce chantier, qu’Emmanuel Macron compte ouvrir dès le début du prochain quinquennat s’il est réélu, devra être discuté “avec l’ensemble des parties prenantes (les employeurs, les organisations syndicales, les agents publics eux-mêmes…) pour reposer tous ensemble la question de la rémunération dans la fonction publique. Le travail a débuté, il faudra le conclure et en tirer les meilleures solutions”, conclut Thomas Cazenave. Pour rappel, le chef de l’État avait déjà porté une telle réforme au début de ce quinquennat, avant de l’abandonner.