(Info gazette des communes)
Dans une interview accordée à la Gazette des communes le 8 septembre, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publique fait le point sur les chantiers en cours. Mesures salariales, 1607 heures…Sur plusieurs sujets, elle appelle les collectivités à « prendre leurs responsabilités » et annonce le lancement d’une mission sur l’attractivité de la fonction publique territoriale.
En cette rentrée, après des mois d’investissement, les territoriaux ont des attentes fortes en matière salariale. Plusieurs de vos annonces avant l’été concernent les « C ». Des employeurs disent les avoir découvert, les jugent encore floues, demandent des précisions sur le calendrier et le coût pour la FPT. Quels sont-ils ?
Je veux le dire fortement : il était hors de question pour moi de limiter à la seule fonction publique de l’État les augmentations de salaire que nous avons décidées au bénéfice des agents publics les plus faiblement rémunérés. C’était pour moi une injustice inconcevable. Je suis la ministre de tous les agents publics : les agents territoriaux ne sont jamais mis de côté dans l’action que je porte, et ils ont droit aux mêmes avancées sociales que les autres. Ils ont été et sont encore aujourd’hui essentiels dans la gestion de la crise sanitaire, encore tout récemment, dans le déploiement de la campagne vaccinale. Ils en sont d’ailleurs eux-mêmes des ambassadeurs [79 % des agents territoriaux avaient déjà reçu deux doses de vaccin au 1er septembre selon le sondage Ipsos du 6 septembre, ndlr].
Dès mon arrivée à la tête de ce ministère il y a un an, j’ai demandé aux employeurs territoriaux de me faire des propositions concrètes. C’est la méthode que ce gouvernement applique : construire une relation partenariale avec tous les élus et concerter les décisions, afin que chacun prenne ses responsabilités. Mais je n’ai reçu aucune proposition. Pourtant, je n’ai entendu personne remettre en cause le diagnostic, bien au contraire. Le gouvernement a donc pris ses responsabilités : dès janvier, les agents de catégorie C vont bénéficier d’une augmentation. Plus personne ne sera rémunéré sous le SMIC dans notre fonction publique [détails des autres mesures dans l’encadré en bas d’article, ndlr]. Évidemment, cela aura un coût pour les collectivités mais chacun doit prendre ses responsabilités.
La balle est dans le camp des collectivités pour aller plus loin
Aujourd’hui, la balle est dans leur camp pour aller plus loin si elles le souhaitent, et les outils à leur disposition ne manquent pas : mise en œuvre du Rifseep, déploiement de la PSC et des plans de progrès pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes … Le partage des responsabilités est clair : je suis en charge de « l’indiciaire » et les employeurs de « l’indemnitaire ». Je les invite à s’en servir pleinement : 13 % des collectivités n’ont pas encore délibéré sur le Rifseep. Je vais donner dans les prochains jours instruction aux préfets de rappeler l’existence de ces outils et de s’assurer de leur bonne mise en œuvre, mais aussi d’être vigilants sur certains aspects, comme le recours parfois abusif aux vacataires, qui est source de précarité.
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S’agissant du déploiement de la PSC, Philippe Laurent, au nom de la coordination des employeurs territoriaux, a formulé plusieurs propositions [dont une participation minimale des collectivités à la prévoyance]. Comment les accueillez-vous ?
La PSC constitue un progrès social important pour l’ensemble des agents, en particulier ceux des collectivités. Pour les agents de l’État, j’ai souhaité que la mutuelle soit prise en charge dès janvier 2022 sur une base forfaitaire de 15 euros. Au plus tard en 2026, elle sera prise en charge à 50% pour tous les agents publics. Cet accord est le fruit d’un travail constructif avec la coordination des employeurs territoriaux. Les échanges se poursuivent pour préparer le décret d’application fixant les détails du dispositif. Je vais regarder attentivement les propositions de Philippe Laurent et poursuivre avec tous les employeurs le dialogue que j’ai engagé. Ceci étant, je remarque qu’il n’y a pas encore d’accord unanime entre les acteurs de la coordination. Il y a encore un peu de travail pour que les discussions aboutissent. Mon objectif est que le projet de décret passe devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale à l’automne.
Dans le prochain PLF est attendue la pérennisation du système de financement de l’apprentissage dans la FPT. Le CNFPT se dit prêt à gérer une taxe d’apprentissage correspondant à 0,1 % de la masse salariale des collectivités locales…Retenez-vous cette proposition ?
Le gouvernement conduit une politique volontariste en matière d’apprentissage et je souhaite que les collectivités y prennent toute leur part. Pour prendre le relai courant 2022 de l’aide de 3 000 € versée par l’État dans le cadre de France Relance, j’ai pris l’initiative, avec Élisabeth Borne, d’ouvrir une négociation avec la coordination des employeurs territoriaux pour répartir entre l’État, France compétences, les employeurs et le CNFPT, les coûts, charges et objectifs afin de construire un système de soutien solide et pérenne. France compétences est prêt à verser 15 millions d’euros maximum annuellement, l’État 15 millions d’euros également. De leur côté, les employeurs ont fait des propositions très constructives. Je crois que les conditions sont réunies pour que nous trouvions un accord. Mais il n’y a pas que le sujet du financement à l’ordre du jour : je souhaite que l’on travaille à ce qu’on rende l’apprentissage plus attractif, par exemple en comptant les années d’apprentissage dans le nombre d’années nécessaires pour passer un concours interne pour progresser dans sa carrière…
Le sujet de l’apprentissage fait partie d’une réflexion plus globale que vous voulez mener sur l’attractivité de la FPT….
Effectivement, je vais confier une mission sur ce sujet important à Philippe Laurent [ président de la coordination des employeurs territoriaux], Mathilde Icard [présidente de l’ADRHGCT] et Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration. Le cœur du sujet c’est de résoudre une équation clé : comment on rend la fonction publique territoriale plus attractive sans faire gonfler ses effectifs, et sans en faire une forteresse.
Cette mission permettra aussi de nourrir la conférence sur les perspectives salariales que je lance le 21 septembre jusqu’en février prochain avec tous les syndicats et les employeurs, dont je souhaite qu’elle repense les bases du système de rémunération et de progression dans la fonction publique. Je souhaite avoir aussi dans ce cadre un échange politique avec les associations d’élus.
Parallèlement, nous poursuivons d’autres travaux. Sur le métier de secrétaire de mairie, en lien avec le secrétaire d’État chargé de la Ruralité – revalorisation financière, connaissance du métier – ils sont essentiels : c’est souvent le premier contact des Français avec le service public ! Nous allons faire aboutir en octobre le travail commun que nous menons avec les associations d’élus quant aux secrétaires de mairie en poste actuellement mais aussi pour la prochaine génération.
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La Fonction publique se prépare à une obligation de formation à la laïcité. Ses principes sont pourtant déjà inclus dans les modules que suivent les agents de la FPT…
Avec Marlène Schiappa, nous avons pourtant constaté que seuls 15 % des agents disent avoir été formés depuis qu’ils sont dans le service public [même taux pour le seul versant de la FPT, selon le dernier sondage Ipsos, nldr] alors que 30 % ont été témoins ou victimes d’atteintes à la laïcité face auxquelles ils se sont sentis très seuls. D’ici 2025, l’ensemble des agents publics seront formés au principe de laïcité, non pas uniquement à l’entrée en poste, mais tout au long de leur carrière.
Les 1607 heures, ce n’est pas négociable
Des collectivités poursuivent actuellement le chantier des 1607 heures non sans peine, subissant des mouvements de grève médiatisés. Quel message souhaitez-vous leur adresser ?
Le dialogue social, ce n’est pas à la carte, c’est une nécessité, même s’il est exigeant. Le passage aux 35 heures partout en janvier 2022, c’est un impératif absolu d’équité consacré par la loi de la République, et très attendu de nos concitoyens. La loi est la même pour tous et tous les élus doivent la respecter. Nous avions laissé deux ans aux collectivités, en tenant compte des élections municipales de 2020, et beaucoup de collectivités ont organisé le passage aux 1607 heures dans de bonnes conditions. Dans la loi, les exceptions sont clairement énumérées. Alors quand j’entends la maire de Paris Anne Hidalgo dire que l’environnement de travail particulier à la ville capitale justifierait x jours de congés supplémentaires, ce n’est pas responsable, ni respectueux de ceux et celles qui font les même métiers, dont l’engagement est le même, à l’extérieur du périphérique. L’État tient ses engagements. Les collectivités doivent prendre leurs responsabilités. La date de mise en œuvre de cette obligation n’est pas négociable et je demanderai aux préfets d’être particulièrement vigilants sur sa mise en œuvre.
Les candidats de droite qui abordent la question de l’action publique par le seul prisme des effectifs n’ont tiré aucune conséquence des erreurs passées
Justement, parmi les engagements du début de mandat figuraient la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, dont 70 000 dans la territoriale. La question se pose-t-elle encore ?
La France a changé. La situation de 2021 n’est pas comparable à celle de 2017. L’objectif du Premier ministre, c’est que les bonnes compétences soient au bon endroit, en particulier dans les territoires, qui sont clés pour la mise en œuvre des politiques publiques et de la relance. Nous l’avons dit, depuis 2021, notre position est claire : stabilité d’emplois dans les administrations centrales, redéploiements en faveur de l’État territorial, en particulier du niveau départemental.
Les candidats de droite qui abordent la question de l’action publique par le seul prisme des effectifs n’ont tiré aucune conséquence des erreurs passées et répètent le projet de François Fillon. C’est devenu un totem. Et quand je lis le programme des Républicains pour la présidentielle, il se résume à casser purement et simplement le statut en généralisant le contrat. En même temps, ils veulent revenir sur notre réforme de la haute fonction publique en gardant les grands corps de l’État tels qu’ils existent aujourd’hui. Ce conservatisme est incompréhensible et incohérent. Après tout ce que nous avons vécu, ces propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux ni de l’engagement des fonctionnaires au service de notre pays.
FOCUS
Les mesures annoncées pour les catégories C
- La modification des grilles indiciaires pour les grades C1 et C2 et la réduction de durée des 1ers échelons, qui permet de restaurer du dynamisme en début de carrière (de l’ordre de 0,5% par an pour le C1 et de l’ordre de 1,5% par an au début du C2)
- L’attribution d’une bonification d’ancienneté d’un an à tous les agents lors de la bascule vers les nouvelles grilles.
THÈMES ABORDÉS